dimanche 25 mai 2008

Mon petit cours d'auto-défense intellectuelle


Normand Baillargeon chez Daniel Mermet


Ecouter Philippe Val et Pierre Tévanian

Philippe Val n'a aucun sens de l'argumentation.

Tout d'abord, en réponse à la critique de Pierre Tévanian sur le 'racisme républicain', Philippe Val commence par attaquer Tévanian en faisant un hors sujet (transposez, un instant, la situation à un devoir de Français de Lycée ou un mémoire universitaire). Pourquoi est-ce un hors sujet? Premièrement, car les causes pour lesquelles Tévanian a pu ou peut encore militer n'ont aucune incidence sur l'argumentation qu'il vient de présenter. Deuxièmement, il est tout à fait faux et mal-honnête (on entend d'ailleurs Val se reprendre pour insister sur son faux argument) que Tévanian ait milité pour que les jeunes filles musulmanes se voilent. Il a milité pour que les jeunes filles voilées puissent aller librement à l'école publique comme tout autre enfant. Il y a là plus qu'une nuance, et je soupçonne Val d'être assez intelligent pour le savoir.

Ensuite, il passe au sujet à proprement dit, et il commence par un nouvel hors sujet. Tévanian n'a pas parlé, dans sa critique, de Jules Ferry, mais du 'racisme républicain' aujourd'hui. Poursuivons. Il est évident pour n'importe quel esprit critique (tel Philippe Val, j'en suis persuadé), que le terme de Pierre Tévanian, "La République du Mépris", s'applique à l'idéologie républicaine dans ce pays, voire à l'institution républicaine et non au pays tout entier ni à ses citoyens de manière générale. Quant à cet argument qui consiste à dire 'et l'Arabie Saoudite, alors?!', il ne tient pas debout. D'abord, le sujet du débat, c'est la République Française, et non l'Arabie Saoudite. Ensuite, celle-ci est un client favorisé de la France, et donc, Val ne fait que confirmer que la France est anti-démocratique non seulement chez elle mais aussi dans ses relations exterieures!
Pour Val, le racisme est le fait des gens et non d'une institution. Donc, l'Apartheid n'était pas raciste, la Révolution Iranienne non plus, sans parler du Sionisme...
Tévanian répond alors, et poursuit calmement lorsque Val le coupe pour pouffer de rire à l'idée que Tévanian puisse-être prof de philo. Val est peut-être humoriste-chansonnier, mais alors pourquoi diable l'inviter à s'exprimer sur un sujet aussi grave face à un intellectuel?!
Alors que Tévanian explique que le mot 'République' dans son livre désigne ceux qui l'incarnent dans les instances dirigeantes, Val se contente de répondre que ce n'est pas ça la République. Il est pourtant clair que c'est aussi cela la République, et que du moment que Tévanian précise qu'il parle de cette République là, on comprend très bien lorsqu'on use du sens critique.
Passons au voile. D'après Val, une jeune fille n'a pas envie de porter le voile et celui-ci est le symbole d'une discrimination, sous-entendu que les filles voilées en France et en général le sont de force (morale ou physique, j'entend bien). Il n'a donc pas vu 'Un Racisme à Peine Voilé' de Jérome Host, et il n'a sans doute pas non plus pris la peine ni d'intérroger des jeunes françaises voilées, ni de lire les études sociologiques à ce sujet. De plus, il se révèle un piètre pédagogue en insinuant qu'on fera évoluer l'Islam en le censurant, et en interdisant aux jeunes musulmanes voilées d'entrer à l'école publique pour tou(te)s. Pour Val, une mineure n'a pas à vouloir attenter à sa propre liberté "sur le territoire de la République". Passons sur le ton dogmatique de la phrase. Peut-être faudrait-il interdire tour vêtement constituant une atteinte à la liberté. Qui se propose de les définir et d'en faire une liste? Peut-être faudrait-il y mettre les vêtements de marque dont la publicité matraque l'esprit des jeunes. Peut-être faudrait-il imposer l'uniforme. Ah! mais ce serait alors porter atteinte à la liberté de mineurs. Mais, tant que ce n'est pas le ou la mineur(e) qui souhaite porter atteinte à sa propre liberté, nous dit Val, alors ce n'est pas grave.
Val assène que consentir n'est pas toujours consentir. Il a bien raison de dire que tous les enfants ayant été en pensionnat n'y ont pas réellement consenti (quand bien même on leur aurait demandé leur avis) - et peut-être que Val propose de fermer tous les pensionnats. Mais alors, qui décide pour l'enfant si il ou elle consent réellement? Si il s'agit de protéger l'enfant d'une pression parentale, pourquoi uniquement à l'école? Pourquoi n'interdirait-on pas le port du voile par des mineures partout sur le "territoire de la Réublique", pour reprendre les mots de Val, et qui ne s'arrète pas aux portes des écoles?
Et Val de se prendre pour le porte-parole des musulmans: les intégrises feraient "peur aux musulmans"!

Sur le droit à une religion quelconque d'ingérer dans les lois de l'état: Val est à côté encore une fois de la plaque. Il ne s'agissait pas dans le débat sur les caricatures, de censurer, ni de militer pour la censure. Il s'agissait de critiquer des caricatures jugées racistes. Il en va de même de la critique de Redekker. Les menaces de mort sont innacceptables et nul doute marginales (elles l'auraient été du moins si elles n'avaient pas été tant médiatisées). D'ailleurs, c'est l'état français qui censure déja dans ses lois les idées et les publications jugées racistes et anti-sémites, sauf que la République fait preuve d'hypocrisie dans les faits.
Conclusion de Philippe Val à Pierre Tévanian: "C'est n'importe quoi ce que vous écrivez." Belle argumentation!