vendredi 29 mai 2009

Interview de Houria Bouteldja


Indigènes de la République

Votre mouvement s’inspire des valeurs du 8 Mai 45 ; que signifie cette date pour vous ?

C’est une date politique parce qu’elle renvoie à la fin de la France de Vichy, le rétablissement de la République et l’Etat de droit, et c’est justement ce jour là que la France républicaine commet un massacre. La France qui a la prétention d’être égalitaire, républicaine, droitdelhommiste, (et là on ne peut pas dire que c’est la France de Vichy qui commet un massacre) envoie son armée massacrer des Algériens qui voulaient la même chose que les Français, c’est-à-dire leur liberté, c’est éminemment politique. Mais, finalement, rien n’a changé maintenant. 64 ans après, la France entretient toujours les mêmes contradictions, à savoir une France qui prétend être universaliste, droitdelhommiste alors qu’elle discrimine à grande échelle. Elle cultive toujours le même rapport impérialiste en Afrique et par rapport à Israël. On ne peut pas être le pays des droits de l’Homme et impérialiste à la fois. Ni être le pays des droits de l’Homme et discriminer les issus de l’immigration et les considérer comme des sous-citoyens, c’est-à-dire des indigènes. La date du 8 Mai 45 est intéressante du fait qu’elle montre que le racisme n’est pas du tout un accident de l’histoire de la France, mais il est inhérent à la République. Comme le massacre du 17 octobre 1961 à Paris n’est pas un accident. La France a fait la même chose avec les juifs. C’est pour cela que le mouvement des indigènes de la République est un mouvement politique qui a la prétention de vouloir réformer la France dans ses structures. Le Parti des indigènes de la république (PIR) existe depuis 2005. Sa création a provoqué un énorme tollé chez les intellectuels et dans la presse notamment de gauche parce que nous apportons un éclairage nouveau sur la société concernant les gens issus de l’immigration en France sur la base d’une idée selon laquelle la France reste un pays colonial. Ses institutions, ses lois, la manière dont elle perçoit les gens issus de l’immigration est un héritage colonial. A partir de là, nous considérons que le racisme en France est structurel, n’est pas du tout circonscrit au Front national (FN) de Jean Marie Le Pen. Il traverse la société de part en part. C’est justement cela qui n’a pas été dit par la gauche. Nous pensons que seuls les rapports de force peuvent changer la réalité sociale en France dans le sens d’un pays moins raciste.